Au cours de leur apprentissage, les musiciens développent une importante maîtrise de leur instrument de manière à exécuter précisément les gestes nécessaires à la qualité sonore désirée. La pratique musicale requiert alors une dextérité fine, et des mouvements rapides et précis. Dans le cas de la harpe de concert, nous avons constaté que l'identité sonore du musicien était contrôlée par les conditions de lâcher de la corde. Il a notamment été estimé que la force requise pour pincer une corde pouvait atteindre environ 30 N. La répétition de ces gestes peut, à terme, déclencher des troubles musculo-squelettiques chez le musicien. Dans le cadre d'une étude épidémiologique menée par Roxane Martin en 2011, 74 % des harpistes interrogés ont indiqué ressentir des douleurs, principalement au niveau du dos, du cou, et des épaules. Sachant que les cordes d'une harpe de concert présentent une tension de 200 N à 500 N, soit environ six fois plus que celles d'une guitare classique, l'hypothèse que le cordage soit une cause de l'apparition des douleurs des musiciens a été soulevée. Afin d'explorer cette hypothèse, nous nous sommes intéressés à trois cordages différents (boyau, nylon et fluocarbon). Des harpistes ont été invités à jouer sur une même harpe de concert à quelques semaines d'intervalle, sur laquelle ces trois cordages ont été monté successivement. Lors de ces séances, l'activité musculaire du fléchisseur superficiel des doigts, du fléchisseur radial du carpe, de l'extenseur commun des doigts, et de l'extenseur radial du carpe ont été mesurées. Simultanément, la vibration de la table d'harmonie de l'instrument ainsi que le son rayonné ont également été recueillis. Cette étude a révélé des stratégies d'activation et des coordinations musculaires différentes en fonction des cordages. En accord avec les harpistes et les cliniciens, ces résultats ouvriront à des recommandations d'optimisation des conditions de pratique musicale.